Quels risques et comment les couvrir dans un tiers-lieux?

Quelles responsabilités, quels risques ?
Quels usages pour que chacun soit responsable ? Si quelqu’un mène une action, comment faire pour que ce soit cette personne qui soit responsable sans que ce soit le tiers-lieux qui soit mis en péril. Que le bien commun “tiers-lieux” ne soit pas menacé ?

Par tiers-lieu, nous allons entendre un immeuble mis à disposition de la population dans le but de fournir un lieu de rencontre ou de lieu de travail partagé, assorti éventuellement de prestations annexes. Cela recouvre la situation d’un FabLab, qui propose du matériel industriel ou technologique, comme une imprimante 3D, mais aussi un espace de coworking, disposant de salles de travail et/ou de réunion avec connexion à l’Internet.

Par responsabilité, nous allons entendre seulement les cas de responsabilité civile définis par les articles 1382 et suivants du code civil. Plus communément, il s’agit de la responsabilité en matière d’assurance lorsque survient un dommage à l’encontre d’une personne ou d’un bien.

Parmi les différents acteurs susceptibles de subir un dommage, nous pouvons dissocier :
– le propriétaire de l’immeuble. Il s’agit de la personne propriétaire du bien, mais qui peut avoir donné ledit bien à bail pour son occupation ;
– le gérant du tiers-lieu. Il peut s’agir du propriétaire du bien, ou alors d’un preneur (locataire) commercial ou non. Il gère l’activité qui peut revêtir soit le caractère d’activité commerciale soit d’activité non lucrative selon l’objet social et la nature du service fourni (une société ou une association) ;
– l’utilisateur du tiers-lieu. Ici, nous allons entendre un utilisateur qui n’exerce pas d’activité professionnelle en lien avec le tiers-lieu. Il jouit du lieu et des éventuels services fournis en tant que consommateur, si l’activité est commerciale, ou en tant que bénéficiaire sinon ;
– l’utilisateur professionnel. Il s’agit d’une personne qui utilise le tiers-lieu dans le cadre d’une activité professionnelle.

Chacun de ses acteurs disposent d’une assurance couvrant le risque de son activité :

– le propriétaire est couvert en garantie du risque des gros dommages et incendie ;
– le gérant est couvert des menus dommages, des risques commerciaux en bail commercial, mais également du risque d’incendie ;
– l’utilisateur du risque d’accident de la vie quotidienne, souvent couvert par son assurance habitation et/ou sa responsabilité civile ;
– l’utilisateur professionnel du risque de son activité professionnelle ou à défaut, de sa responsabilité civile individuelle et du risque d’accident vie quotidienne.

De quels risques doit-on parler lorsque l’on parle des tiers-lieux ?

Il s’agit en réalité des risques d’accident entre le gérant et l’utilisateur, qu’il soit ou non professionnel.

Les autres risques, notamment l’incendie, dépendent en propre de chacun des acteurs.

Nous aborderons le cas le plus grave de la responsabilité, celui d’un accident corporel et matériel au sein du tiers-lieu.

** Un utilisateur provoque un dommage à l’encontre d’un bien mis à disposition**

Il peut s’agir par exemple d’un matériel mis à disposition qui est endommagé par suite d’un sinistre suite à une erreur de manipulation de l’utilisateur.

Les assurances qui entreront en jeu seront celle du gérant et celle de l’utilisateur. Si celui ci n’est pas un professionnel, sa responsabilité civile sera engagée. Si celui-ci est un professionnel, sa responsabilité civile professionnelle.

Dans les deux cas, les assurances regarderont les circonstances de l’accident. Elles vérifieront notamment si l’utilisateur était habilité, contractuellement, à user du matériel, avec ou sans surveillance de la part du gérant.

Le contrat entendu ici est un contrat de location du matériel mis à disposition, ou bien une charte d’utilisation, ainsi que le règlement intérieur de fonctionnement du tiers-lieu. En d’autres termes, il s’agit de tous les documents émis par le gérant auxquels doit se conformer l’utilisateur. La qualification juridique de ce contrat relève d’un contrat de louage de chose, soumis à l’article 1713 du code civil ; ou d’un contrat d’adhésion soumis au code de la consommation.

La différence se considère au regard de la qualité du gérant. Si le gérant est commercial, l’utilisateur sera vu plus souvent comme un consommateur d’un service, quand bien même ce service nécessite une manipulation ou participation matérielle de sa part. La formation d’un utilisateur sera considérée comme un service destiné à lui permettre de consommer le bien qu’il produit grâce au tiers-lieu.

Par contre, si l’utilisateur est un professionnel, il s’agira dès lors d’une relation de contrat entre deux professionnels, un fournisseur (le tiers-lieu) et un donneur d’ordre, l’utilisateur professionnel.

Afin de prévenir le risque de dommage d’un bien du tiers-lieu par l’utilisateur, le gérant peut imposer le paiement d’une caution qui couvrira ainsi le risque considéré. Dès lors, si le montant du dommage est supérieur au montant de la sûreté, ce sera au gérant de couvrir la différence. Il ne sera pas nécessaire en principe de passer par les assurances, même si cette option demeure possible. En effet, la caution n’est pas exclusive de l’engagement de responsabilité de l’utilisateur, il sera possible d’engager la responsabilité civile dans un second temps, si le dommage dépasse la caution ou bien si le dommage n’entre pas dans le champ prévu par celle-ci.

** L’utilisateur est blessé ou endommage un bien lors de sa manipulation.**

S’il est professionnel, il peut se voir reconnaître le caractère d’accident du travail. En effet, un auto-entrepreneur ou un indépendant demeure assuré par la Sécurité sociale au régime qui lui correspond. Cependant, si le professionnel ne se voit pas reconnaître son accident comme tel, lui et son assurance peuvent se retourner contre le gérant en responsabilité.

Si l’utilisateur n’est pas professionnel, il pourra se retourner contre le tiers-lieu en responsabilité civile, ou en responsabilité civile professionnelle.

La responsabilité civile professionnelle sera plus volontiers engagée dans le cadre d’un contrat de consommation.

Enfin, si l’objet social du tiers-lieu repose au contraire sur une vision plus communautaire, le gérant peut assurer ses utilisateurs. Cependant, les assurances devront évaluer son risque et lui demanderont de circonscrire les utilisateurs aux seuls adhérents du tiers-lieu.

Les frais d’abonnement ou d’utilisation que l’utilisateur paient pourraient inclure ces frais d’assurance.

En conclusion, il est préférable d’établir les orientations suivantes :

  • si le tiers-lieu a une vision commerciale, la mise en place d’une caution semble être l’option à privilégier pour couvrir le risque de sinistre venant de l’utilisateur. De même, une référence dans le règlement intérieur ou les conditions générales d’utilisation relative à l’obligation pour l’utilisateur d’avoir une assurance couvrant ce type de manipulation semble être également pertinente ;
  • au contraire, si le tiers-lieu a une vision plus associative ou communautaire, le gérant devrait inclure dans la cotisation d’adhésion de l’utilisateur le coût de la cotisation d’assurance couvrant l’ensemble des utilisateurs.