Qu’est ce que qu’une monnaie complémentaire?

Toutes les monnaies alternatives ou complémentaires se définissent comme disposant au moins d’une fonction de paiement mais n’ayant pas cours légal (personne n’est obligé par l’Etat à l’accepter pour ses règlements).

Si elles sont toujours créées pour permettre les échanges, elles n’ont pas toujours de fonction de réserve de valeur (certaines “monnaies fondantes” en perdent de leur valeur au cours du temps) ou fonction de compte (certaines libellent le seul temps échangé par une personne, quelque soit le prix de marché de son activité : une heure de repassage sera ainsi considéré comme ayant le même “prix” qu’une heure de chant d’un ténor mondialement connu). Elles ont alors vocation à se substituter ou à compléter une monnaie ayant cour légal, ce pour poursuivre des objectifs économiques et/ou sociaux que promeuvent ses créateurs.

Contrairement à la monnaie officielle, les monnaies alternatives ou complémentaires font l’objet d’un choix volontaire, d’une démarche positive de ceux qui se décident à les utiliser.

L’organisation des groupes et les buts recherchés à travers l’utilisation des monnaies alternatives ou complémentaire varie beaucoup d’un système à l’autre.

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Voilà un texte en réponse à la proposition de Monsieur H. Merci d’avoir lancé le débat. Je me lance à mon tour.

On voudrait croire que présenter la monnaie par une approche fonctionnaliste est le point de départ de toute description de la monnaie. On arguera avec succès qu’Aristote avait déjà posé en son temps les bases d’une définition de la monnaie par des fonctions : moyen de paiement, unité de compte et réserve de valeur. Depuis lors, les auteurs de tous horizons ont contribué de ci, de là, à classer ces fonctions selon leur importance. D’autres encore ont voulu ajouter à cette trinité des fonctions manquantes (le paiement des impôts, par exemple). Mais avec les monnaies sociales complémentaires une rupture est consacrée : la nécessité de compléter, encore et encore, la liste de ces fonctions, s’accélère à tel point que l’approche fonctionnaliste semble devenir incapable de décrire ce que “fait” la monnaie.

On sait que la compréhension même de la notion de monnaie est tributaire de l’époque à laquelle on la regarde. Les historiens nous rappellent qu’on ne pense pas la monnaie dans les mêmes termes dans un régime métalliste (ou la monnaie était définie par rapport au poids en métal qu’elle représente éventuellement) que dans un régime nominaliste (ou la définition est donnée par l’unité de compte). Un tel régime n’existe véritablement que depuis une quarantaine d’années (quand le dollar, contre lequel les autres monnaies fluctuaient, a perdu sa définition par rapport à l’or). C’est peu au regard de l’histoire des sociétés humaines. La monnaie ne serait donc plus qu’un nom (d’où le terme nominalisme) donné par le souverain (Etat, législateur…) à une totalité commune à tous (comme la Nation, la langue…). Là où le pouvoir du souverain était entièrement employé à battre monnaie, il ne se résume plus qu’à nommer les unités monétaires qu’emploient les moyens de paiement émis par des établissements financiers. Par la décoporalisation (la fin du papier et du métal) de son pouvoir, le souverain monétaire est tenté d’en déduire qu’il en perd également la substance.

A l’inverse, c’est un point commun à toutes les monnaies sociales complémentaires : le pouvoir du nom (sol, pêche, etc…) consacre leur existence monétaire. Ce nom est celui qui rassemble ces personnes qui s’engagent pour une monnaie et ce qu’elle représente. Aucune fonction classique de la monnaie ne traduit cet engagement. Et s’il faut prendre parti, et dans la perspective qui nous anime ici sur ce forum, c’est vers le “lien” qu’il me semble que nous devrions nous tourner. En effet, si les monnaies sociales complémentaires devaient avoir une raison d’être, sans laquelle, elles en perdraient jusqu’au nom de monnaie (et leur nom propre), c’est bien d’encourager les personnes à échanger sous ce nom monétaire.

Quel statut juridique doivent alors rechercher ces monnaies? dans quelle légalité pourront-elles s’épanouir? Le législateur doit-il leur façonnée une Loi (cet autre facilitateur du lien) dans un régime particulier? En quoi leur régime juridique serait-il différent de la monnaie ou des autres monnaies ?

Poser la question de la loi des monnaies complémentaires, c’est d’abord entreprendre une nouvelle enquête dans le rapport que la monnaie entretient avec le droit. C’est encore envisager sous un point de vue différent la recherche déjà accomplie par les acteurs des autres sciences sociales. La démarche qui nous anime donne à cet effort un caractère plus complémentaire qu’alternatif. Car, en droit, ces monnaies sociales (le « social » du lien là encore) sont par nature complémentaires. Elles ne peuvent se substituer à la solidarité plus globale qui nous vient de la monnaie nationale du souverain monétaire. En cela, se dévoile déjà cette opération, bien connue des juristes, de la construction des catégories : une monnaie complémentaire n’est-elle pas exclusive d’une monnaie alternative?

Il est déjà entendu qu’une monnaie sociale complémentaire ne peut être réduite à l’idée d’un moyen de paiement doté d’un nom propre (sinon les marques - ces autres noms - des cartes de paiement seraient bien assez), mais une monnaie à part entière. En droit, il convient de poursuivre cette recherche, et d’y affirmer à quelles conditions une telle monnaie échappe à la prohibition des monnaies privées. Une fois cette définition externe posée, c’est vers la taxinomie interne qu’il conviendra de se tourner. Parmi ces monnaies sociales complémentaires, il en sera qui ne seront que des moyens de paiement, au sens du droit bancaire. A l’inverse, pour les autres, les monnaies locales complémentant la monnaie nationale, il faudra réunir les éléments de leur reconnaissance juridique. On pourra ainsi chercher dans les outils juridiques existants des supports susceptibles de favoriser l’acceptation et le recours à ces monnaies sociales. On cherchera aussi dans le choix de ces outils à préserver la nature de ces monnaies à part entière qui lient autant qu’elles délient des obligations (contractuelles, fiscales, sociales).

Vraiment cette réponse m’a beaucoup aidé, comment puis-je vous contacter pour des services payants ?